Depuis ma plus tendre enfance, les chevaux font partie de ma vie. Ils m'ont toujours beaucoup apporté et aidée. Je trouvais refuge auprès d'eux lors des moments difficiles, et lorsque je me sentais paisible, ils étaient mes compagnons de bonheur. Ils ont toujours eu une place particulière dans mon cœur.
Mais j'étais alors loin de comprendre pourquoi ils m'apportaient autant et comment cela se manifestait. J'étais encore plus loin d'imaginer qu'un jour, ils seraient en plein cœur de mes activités, de mon quotidien, de ma raison d'être, avec une toute nouvelle conscience de leur rôle auprès des humains. 20 ans après avoir commencé la pratique de l'équitation, j'ai réalisé le pouvoir véritablement transformateur de la relation humain-cheval, à la fois au niveau personnel et psychologique, mais aussi au niveau organisationnel et sociétal.
Je vous livre quelques réflexions dans cet article et j'y reviendrai sans aucun doute dans les prochaines publications.
L'alliance de la puissance et de la sensibilité
500 kilos de muscles et autant d'émotions.
Le cheval est un être qu'il est passionnant de côtoyer pour différentes raisons. La première est qu'il a le grand avantage d'être particulièrement puissant, doté d'une force incroyable - et dans le même temps, d'être profondément sensible et animé par de nombreux états émotionnels.
Sa puissance lui donne la possibilité de galoper durant des kilomètres et à grande vitesse sans se fatiguer, pour fuir des prédateurs par exemple. Elle lui permet de tracter ou de transporter des charges lourdes et de soutenir ainsi le développement des communautés humaines. Cette force est présente, vivante, sans être imposante. Si elle est employée, elle ne sert pas à contraindre mais à faire respecter les limites de son espace personnel. Elle n'est pas employée pour contrôler mais pour assurer ses besoins vitaux.
En parallèle, par son statut de proie, le cheval est un animal très vulnérable et cet état est profondément ancré en lui. Il est instinctivement relié à l'émotion de la peur, qui lui permet à l'état naturel de préserver sa sécurité et de s'enfuir au moindre signal de danger. Ce statut de proie le rend donc hypersensible à son environnement : aux stimulus extérieurs, aux attitudes de ses congénères, aux signaux envoyés par le comportement des humains, aux moindres changements dans son contexte de vie. Il s'adapte en permanence à ce qui se passe autour de lui et en lui.
Sa vulnérabilité est devenue une force, un atout pour vivre en sécurité parmi les autres. Le risque est comme permanent, omniprésent, et pourtant le cheval a cette capacité d'en être détaché. Une fois le danger écarté, il « retourne brouter », il ne rumine pas la scène pendant des heures voire des jours. Le cheval est à la fois dans un état de vigilance latente mais aussi de disponibilité constante. Il est prêt à réagir à tout instant, et détendu dans le même moment. Belle prouesse, n'est-ce pas ?
Vous voyez déjà quels messages nous pouvons recevoir de ce noble animal ? À quel point il nous renvoie à notre propre puissance et à notre propre vulnérabilité ? Il y a tellement de choses à en dire... Nous en reparlerons :)
La liberté et le besoin de contrôle
Le cheval est bien souvent, pour nous humains, le symbole de la liberté. Quel cavalier ne s'est pas imaginé galoper bride abattue sur les steppes de Mongolie ou sur de grandes plages, cheveux au vent ? Même si nous pouvons connaître de sublimes éclats dignes des plus belles images de films, la réalité est souvent moins bucolique. En effet, en même temps qu'il nous renvoie cette quête de la liberté, le cheval nous met aussi face à notre envie de contrôler.
Que ce soit à pied ou sur son dos, il est quasiment impossible de contraindre le cheval par la force (certains s'y essayent pourtant, mais passons). Plus de cinq fois supérieur au nôtre, son poids est un premier frein. S'il ne souhaite pas collaborer avec nous, rien ne pourra le forcer à agir selon notre volonté (nb : petite pensée à tous les cavaliers qui se sont faits tracter par le "bon gros doudou" de l'écurie qui n'avait pas envie, mais pas du tout, de sortir de son pré... 😅).
Si, à cheval, nous exerçons trop de pression dans nos mains, sur les rênes, sur sa bouche, il va vite nous faire comprendre que ce n'est pas l'attitude à adopter pour obtenir son adhésion. Il va peut-être obtempérer pendant quelques séances par respect pour nous, ou parce qu'il a bien compris notre intention et qu'il veut coopérer. Mais, surtout dans le cadre d'un « partenariat d'évolution » entre un cheval et son cavalier, dans l'optique d'un travail en conscience, le cheval nous fera vite comprendre que nous devons trouver d'autres solutions pour atteindre l'objectif recherché. Ce n'est pas en imposant mon point de vue, en obligeant, que je peux obtenir une réponse ou un résultat satisfaisant. Celui-ci sera peut-être obtenu techniquement, mais il ne sera pas valable du point de vue de la coopération et de l'apprentissage commun.
Il nous reste donc à inventer d'autres méthodes pour interagir avec lui, basées sur l'observation, le respect, l'assertivité et la douceur. L'équitation éthologique nous y aide beaucoup, par l'analyse du comportement de l'animal et la relation de confiance qui s'instaure progressivement entre les deux parties.
Alors, ne serait-ce pas le « lâcher prise » que le cheval nous permet de travailler ?
Le défi du lâcher prise
Puisque je ne peux pas contraindre mon cheval par la force, que je ne peux pas l'obliger à obtempérer, que je ne peux pas le contrôler... Mais pour autant, comme je ne souhaite pas non plus mettre mon intégrité physique en danger, je dois travailler sur ma posture et partir en quête d'un autre mode d'interaction.
L'objectif de « lâcher prise » apparaît alors comme une solution praticable, juste et adéquate, et pourtant terriblement délicate à mettre en œuvre. Comment cultiver la confiance, la détente, tout en prenant en compte mes peurs et ma sécurité, sur un animal de 500 kilos lancé à toute vitesse ? C'est un vrai défi, mais aussi un vrai accomplissement lorsque de tels moments se produisent, si rares et précieux.
Ce moment où je me sens droite, profondément ancrée dans mon corps et celui de l'animal, pleinement reliée à mon cheval qui évolue dans toute sa puissance...
Ce moment suspendu où tout s'aligne, où la connexion est intense, où les deux êtres ne font plus qu'un...
Ce moment où je ne suis plus guidée par mes peurs ni mes projections, où je ne suis plus motivée par l'envie de contrôler ou d'imposer...
Ce moment où le mental est au repos, où les corps sont en osmose...
Ce moment indicible et si fugace...
Dans un prochain article, je vous parlerais d'un autre aspect qui m'intéresse particulièrement chez le cheval et son troupeau : le juste équilibre entre l'individu et le groupe.
Je vous témoignerais aussi de mes expériences avec mon cheval, qui ne cessent de m'apporter au quotidien, sur ma posture, sur ma façon d'être, vis-à-vis de moi et dans ma relation à l'autre. Une source d'apprentissages et d'expériences infinis... ❤️