01/01/2021. Je décide de créer mon blog.
Ceci n’est pas une résolution pour la nouvelle année. C’est un appel du cœur, du pied, du corps. C’est une impulsion, une urgence à créer, à sauter dans l’inconnu.
Je pense souvent à cet instant où je me décide à écrire, « pour de vrai ». Je pense souvent à ces moments où je pourrais écrire, raconter, extérioriser, transmettre, partager. Et quand j’y pense, des barrières et des peurs s’élèvent, plus ou moins confortables : « tu n’as pas assez de temps au quotidien », « tu es déjà trop souvent sur l’ordinateur », « pour qui écrirais-tu ? Qui te lirait ? », « je n’ai pas trouvé le support idéal pour le faire », « qu’est-ce que je vais bien raconter, ma vie n’intéresse pas grand monde », « je vais écrire une ou deux fois et ça sera tout, trop de pression et pas assez de légèreté dans mon rapport à l’écriture »...
Et pourtant, aujourd’hui c’est là, indubitable, vital, cet élan d’écrire, d’écrire, d’écrire.
Après une matinée de prises de conscience, d’émotion, de « temps pour moi » (c’est suffisamment rare pour le mentionner), je vais nourrir les chevaux dans un pré à quelques minutes de chez moi. Plutôt que d’aller travailler ensuite (c’est férié, mais j’ai souvent tendance à ignorer la signification de ce mot), je décide de faire une promenade en forêt. Le soleil est magnifique, la température est clémente après quelques jours gris et pluvieux. J’emprunte un chemin forestier, qui s’achève au bout de quelques mètres seulement. Non sans déception, je me rabats sur un grand champ pour prendre une dose de vitamines D.
Debout, les yeux fermés, le corps tourné vers le soleil, je me mets à faire des mouvements libres de qi qong. Je donne à la terre, je reçois du ciel, j’offre au monde, je me connecte à mon intériorité, je me relie à mes compagnons humains et animaux… Machinalement, les gestes se font, les pensées s’entrelacent.
Je repense à ces mots d'un ami qui me disait il y a trois ans : « as-tu déjà pensé à écrire ta vie, dans un vrai livre ? Tu as une façon tellement singulière d’aborder ta vie ! ». J’avais été interpellée. Quelques semaines après, j’avais eu la première phrase d’un potentiel livre. Puis ça s’est évanoui, la vie quotidienne a repris son cours, je n’ai pas été plus loin.
Toujours debout dans ce champ percheron anonyme, je repense à cet univers de l’écriture qui m’habite depuis toujours, sous différentes formes. Des histoires de cheval quand j’étais petite aux poèmes mystérieux et quelque peu abrupts de mon adolescence, en passant par un an de récits quotidiens couchés sur papier, les critiques de film publiées sur un blog à l’entrée dans l’âge adulte, les rêves que je retranscris consciencieusement presque chaque nuit (d’abord sur mobile, puis sur un carnet dédié), tous les embryons de livre ou de blog que j’ai pu faire, les centaines de notes dispersées sur mon ordinateur, dans mes mails, dans mon téléphone, sur des carnets, tous ces mails échangés avec quelques personnes clefs qui accompagnent mon chemin, mais aussi ces nombreux dossiers administratifs que j’écris au quotidien pour présenter et financer les activités qui me passionnent, ainsi que tous ces posts sur mes réseaux sociaux « professionnels » qui racontent des histoires de vie ou partagent des combats de cœur… Je m’en rends compte aujourd’hui : l’écriture est au cœur de ma vie. Tellement que je ne la voyais presque plus. Tellement que je n’arrivais pas à avouer à quel point elle est importante pour moi, tellement elle est proche de moi.
Et tout d’un coup, les mots viennent grâce à cette énergie en mouvement, ce soleil qui réveille mon cœur, cette lumière qui colore mon intérieur. Les phrases se créent dans mon esprit, elles résonnent, elles sont fluides. Je dois les honorer et me mettre au clavier. Maintenant. Je remercie le lieu et la nature pour leur soutien si précieux à cet instant, et je galope vers ma voiture. Les 10mn de trajet me semblent une éternité. Je ne veux pas perdre le flot qui est en train de se déverser dans ma tête, dans mon cœur. Au même moment, je décide de faire confiance, je réalise que c’est en moi, que ça ne partira pas. Que ça ne partira plus. Sereine mais impatiente, j'ose... Je livre enfin mes premières phrases.
Ce déclic, s'il arrive au détour d'une longue danse entre les mots et moi, il se produit aujourd'hui notamment grâce à une phrase de William Réjault : « les mots ont changé ma vie [...] je ne peux que vous dire de vous lancer »*, dans un livre que j’ai achevé ce matin-là et qui m’a profondément touchée.
Il y a un an, je fêtais la nouvelle année sur les hauteurs du Machu Picchu, au Pérou. Aujourd’hui je suis seule sur un terrain en herbe, au soleil, sur ma terre d’adoption, le Perche. Dans ces deux endroits, je me sens profondément reliée à qui je suis, aux forces qui sous-tendent mon évolution et celle du monde, aux énergies qui ont permis la construction de cet édifice merveilleux qu’est le Machu Picchu et ma propre construction intérieure. Je me sens profondément ancrée, là-bas et ici. Si beaucoup de choses ont évolué depuis ce moment-là, je ressens la même paix intérieure en cet instant. Je suis à ma place, entre le voyage et l’immobilité, entre le nomadisme et la sédentarité, entre l’instant d’hier et l’instant d’aujourd’hui.
Il y a un an, j’étais au cœur de l’une des 7 nouvelles merveilles du monde.
Aujourd’hui, je suis au cœur du monde, cette merveille.
* C’est l’histoire d’un zèbre, William Réjault, 2019
Photo : Machu Picchu, Pérou, 01/01/2020